« Puis il rigola en me montrant la lettre qu'il tenait négligemment. »

Orange constitue ma première incursion dans la bande dessinée chinoise. Je dois admettre ne pas avoir fait de recherche particulièrement ni sur le titre, ni sur l’auteur Benjamin. Seul le graphisme de la couverture m’a attiré. Voilà un petit moment que l’éditeur Xiao Pan a commencé à faire parler de lui en tant que premier éditeur français consacré exclusivement à la bande dessinée chinoise. En dehors du buzz qui a découlé de son arrivée sur le marché et de la qualité des couvertures des titres de Benjamin, je pars sur ce titre sans a priori.

Orange est une jeune adolescente perdue dans les tourments de cet âge difficile et ingrat. Sa seule inquiétude est de savoir comment mettre fin à ses jours qu’elle qualifie d’inutiles et d’insignifiants. Sa mort semble toute tracée jusqu’au jour où elle rencontre sur le toit de l’immeuble où elle a décidé d’en terminer un homme étrange, mystérieux et surtout saoul du nom de Dashu. A partir de là, son chemin va tendre à attirer l’attention de cet inconnu qui semble l’avoir profondément marquée. Cependant, dès les premières pages, la fin de l’histoire est déjà connue, le reste n’étant qu’un long flashback menant à l’issue tragique couvrant une double page aussi belle que violente.

Inutile de vous le cacher, comme il est écrit sur la quatrième de couverture du livre, Orange est une histoire extrêmement déprimante, ou plus exactement sortie d’un esprit déprimé. J’ai personnellement le sentiment que malgré une apparence brute et sans concession, cette histoire nous amène à une issue positive. Certains y verront probablement une véritable ode au suicide, j’y vois plutôt une façon très violente de faire prendre conscience à une adolescente perdue que la vie a de bons côtés.

Quelle que soit votre perception du titre, le véritable intérêt ne se situe pas uniquement dans son scénario qui reste perturbant et dérangeant. Hors des conventions établies, hors de toute ligne éditoriale et commerciale, Benjamin produit un travail narratif tant au niveau du texte que de l’image qui mérite le détour. Sa maîtrise de la palette graphique (Benjamin n’utilise que la peinture numérique pour produire ses œuvres) et du mouvement est impressionnante et impose le respect. Son dessin reste très particulier, dynamique et réaliste tout en restant volontairement flou et évanescent. Ce one-shot mérite vraiment le détour mais je conseillerais aux âmes sensibles de s’abstenir ou, en tout cas, d’être bien préparées.

Chronique publiée le 05 février 2007
par Christophe SAUVEUR