Japan Expo 2006
7ème impact
Cela faisait deux ans que nous l’attendions, deux ans après l’édition mouvementée mais exaltante de 2004, deux années au cours desquelles l’organisation de la plus grande convention française s’est étoffée et restructurée, deux années d’interrogation sur son devenir et son nouvel emplacement. C’est au Parc des Expositions Paris Nord Villepinte qu’a donc eu lieu le septième impact du Japan Expo. Sur trois jours, des milliers de fans de tous horizons ont pu assouvir leur passion avec plus ou moins de bonheur, plus ou moins de réussite dans l’enchaînement des animations, plus ou moins de chaleur dans les coeurs de ceux qui se souviennent de ce qui a fait les lettres de noblesses du dernier grand événement dédié à la culture nippone en France. Bilan en demi-teinte pour ces trois jours du 7 au 9 juillet 2006.
L’arrivée
Ce qui peut surprendre quand on vient à Japan Expo pour la première fois, c’est l’affluence à l’entrée du salon. Une fois à l’intérieur, le monde est bien présent, mais faire la queue pendant des heures pour une exposition comme à l’entrée d’un concert de Madonna reste relativement rare. Malgré l’habitude, c’est donc avec quelques milliers d’autres visiteurs venus en masse que j’ai attendu que les portes s’ouvrent dès le vendredi matin. Chose importante à noter, les préventes n’avantagent plus du tout les visiteurs prévoyants, plus vraiment en tout cas. Même si la file d’entrée « sans billet » était volontairement retardée par les organisateurs, force est de constater que la file « avec billet » ne désemplissait pas et peinait à avancer. Mais ce n’est pas grave, il suffit de prendre son mal en patience et, après une petite heure, Japan Expo s’offre enfin à nous.
Le choc
Ceux qui étaient là en 2004 se rappelleront très bien que les stands installés dans le CNIT à la Défense n’avaient rien d’original : structures standardisées, moquette basique, éclairage simplifié au maximum. Mais cette édition 2006 change radicalement la donne et c’est là que l’on constate pour la première fois que Japan Expo est devenu un événement majeur et, surtout, professionnel. Majeur dans le sens où les éditeurs ont tous ou presque fait l’acquisition de stands traditionnels fabriqués pour l’occasion et qui leur permettent une exposition beaucoup plus intéressante. Majeur car les investissements nécessaires pour mettre en place une logistique telle dépassent les attentes d’une simple convention amateur. Majeur enfin en terme d’espace car les surfaces ont littéralement explosé.Au CNIT, la superficie d’exposition était difficilement portée à 15000 m² en réduisant au minimum certaines allées et en limitant la surface des stands. A Paris Nord Villepinte, tout n’est que démesure. Des stands gigantesques côtoient des allées larges et aérées. Les distances à parcourir pour aller d’un bout à l’autre du salon sont également démultipliées. Une salle de 60000 m² a accueilli les 45000 m² « utiles » du salon. C’est grand, très grand. Et pourtant, on se bousculait encore par endroits.
L’ambiance
Passée l’émerveillement des débuts, on revient les pieds sur terre pour prendre la température. Concrètement, il faisait très chaud, quoi de plus naturel en plein mois de juillet. Humainement, l’ambiance était plus … partagée. Beaucoup d’espaces avaient été mis en place pour accueillir les animations tant attendues comme le cosplay, les projections vidéos, les défilés de couture, le tournage de l’émission Cool Japan, mais tant d’espaces hétéroclites ont eu tôt fait de se parasiter entre eux. Le premier gros bémol de ce Japan Expo cuvée 2006 restera sans aucun doute la très mauvaise gestion sonore et spatiale de l’ensemble. Il n’était pas rare de voir différentes bandes-sons se couvrir l’une l’autre, des animateurs devoir arrêter de parler pour ne pas déranger le voisin, etc… A croire que ces mêmes animations qui ont pâti de ce défaut n’avaient que peu d’intérêt aux yeux des organisateurs. Les podiums du cosplay et du défilé Tokyo Style Collection, voire même le plateau de tournage de Cool Japan n’avaient pas ces problèmes. Tout est question de priorité semble-t-il ! Malheureusement, beaucoup de visiteurs s’en sont plaints et s’en rappelleront probablement.Mais globalement, l’ambiance était bon enfant, sans pour autant ressentir une grande exaltation comme cela avait pu être le cas les années passées. Tout cela venait probablement de l’aspect très mercantile qui courrait sur le salon. Certes, cet aspect a toujours existé, c’est en partie ce qui fait vivre les conventions, mais la débauche visuelle et commerciale des éditeurs venus en grande pompe a probablement contribué à générer un climat de consommation plus que de découverte. D’autant que les raretés à découvrir étaient justement plutôt rares…
Tout ça pour ça !?
Il est certes difficile de retrouver à chaque édition un plateau aussi idyllique qu’en 2004 avec la venue exceptionnelle de Masakazu KATSURA qui venait alors présenter son nouveau manga événement : Zetman. Il est certes difficile d’avoir constamment de la chance et, visiblement, cette année, la fortune ne fut pas très clémente.Je m’excuse auprès des auteurs et des personnalités invitées sur ce Japan Expo 7ème impact, mais impossible de ne pas se dire que les blockbusters ne sont sortis qu’au cinéma cette année. Pas de tête d’affiche, pas de grande pointure incontournable, pas de ténor du crayon. Du coup, le salon en perd de sa superbe… et de son intérêt. KATSURA en 2004, Ryosuke SAKAMOTO (force rouge dans Bioman) en 2003, on pouvait s’attendre à la venue d’un mangaka ou d’un animateur de renom. Même une « petite » convention comme Polymanga a réussi à faire venir une personnalité plus renommée que la plupart des présents à Japan Expo en la personne de Range MURATA. A qui la faute ? A la conjoncture ? Possible. Personnellement j’ai une autre théorie…Quelques paragraphes plus haut, j’ai précisé que Japan Expo était devenu un salon professionnel. Ce terme est utilisé à dessein puisque pour cette édition 2006, c’est une société nommée Euphor qui en a la gestion. Ce n’est donc plus une association comme cela a pu être le cas par le passé, même si l’équipe est globalement restée la même. Il est intéressant de savoir que cette même société chapeaute deux éditeurs manga et vidéo que sont respectivement Taifu Comics et IDP Vidéo. La plupart des personnalités mises en avant sur le salon travaillent ou ont travaillé sur des manga et des séries animées distribuées par ces deux mêmes éditeurs, les autres étant des auteurs travaillant pour les plus petites maisons d’édition comme Ki-oon qui ont cruellement besoin de représentation. Mais les grands noms de l’édition française comme Glénat, Kana ou Pika pour le manga par exemple n’ont fait venir aucun auteur nippon ou coréen et se sont contentés d’auteurs européens, certes nous offrant un travail de grande qualité mais légèrement en décalage avec le public présent.Sans ces têtes d’affiche, il nous restait quelques animations marquantes mais étrangement programmées en simultanées et donc, il fut difficile de mettre un pied proche de chacune. Pour ma part, je retiendrai bien sûr quelques conférences dont une sur le manga français, l’enregistrement de Cool Japan, les cosplays individuels et groupes et le défilé Tokyo Style Collection. Mais, vous allez le comprendre, encore une fois, tout ne s’est pas passé comme prévu.
Le grain de sable…
Ma plus grosse déception quant à l’organisation de ce Japan Expo 7ème impact restera sans nul doute le défile de cosplay individuels. Le défilé en lui-même fut un enchantement, bien meilleur pour une fois que le défilé des groupes. La qualité des costumes était au rendez-vous, avec un niveau bien supérieur aux précédentes éditions. La présence des sélections pour le World Cosplay Summit du mois d’août au planning de la convention n’y était certainement pas étrangère. Un bon coup de chapeau également aux deux animateurs du samedi qui ont su redonner un souffle à l’événement après des débuts très très chaotiques…Arrivé deux heures en avance sur l’horaire avec mes amis pour réserver des places, quelle ne fut pas ma surprise à moins d’une demi-heure du début quand des centaines de personnes envahirent les allées entre les sièges qui avaient été mis en place devant la scène. Impossible alors pour nous d’y voir quoi que ce soit. S’ensuivit une longue période de tractation avec ce public peu respectueux pour que les règles de sécurité obligatoires soient appliquées (les allées doivent être vides pour permettre l’évacuation de la foule). Malgré les injonctions de l’animateur, personne ne bougeait. Pendant plus d’une demi heure, ces gentils visiteurs qui occupaient tout aussi gentiment les allées sans bouger d’un pouce n’ont pas obtempéré, retardant d’autant le début du concours. Il est triste de constater que l’intervention du service d’ordre s’est avéré nécessaire pour évacuer tout ce petit monde. Bien que la faute directe du retard soit imputable à l’égoïsme certain de ceux qui n’avaient pas prévu à l’avance le manque de place au cosplay, je ne peux que jeter la pierre aux organisateurs de la convention qui n’ont pas su gérer une affluence largement supérieure à la capacité initiale de l’amphithéâtre improvisé qui avait été mis en place. Nous avons pu assister au cosplay mais nous avons risqué l’annulation pure et simple.Une fois le défilé débuté, tout rentra dans l’ordre et l’ambiance retrouva un peu de chaleur. Le lendemain, tout allait mieux niveau organisation pour le cosplay groupes, mais l’ambiance elle n’y était pas. La faute, cette fois-ci, aux deux animateurs, malheureusement différents de la veille, qui pataugeaient joyeusement entre leurs répliques poussives. La faute également à un défilé groupes assez peu varié, assez peu dynamique, assez peu exaltant. Dommage car 2004 avait été un très bon cru de ce côté-là.
Et voilà, c’est fini…
Après ces trois jours, après de bons moments, après quelques déceptions, Japan Expo s’est terminé pour moi un peu en avance vers 17h le dimanche, probablement un peu lassé de tout le brouhaha généralisé. Comme je le disais en début d’article, cela restera une édition en demi-teinte. Pas d’événement époustouflant, pas de personnalité qui me fasse vibrer, pas de nacre sur cette perle qui reste dans mes souvenirs de 2004 au CNIT de la Défense. Mais cela ne m’empêchera pas de recommencer l’année prochaine puisqu’au vu du succès commercial du salon, il serait étonnant de ne pas voir un 8ème impact pointer le bout de son nez. Rencontrer les dessinateurs des fanzines est toujours un plaisir, profiter des quelques sorties anticipées un avantage et voir autant de fans rassemblés une preuve pour ceux qui en doutaient encore que le Japon a désormais étendu son influence au plus grand nombre. Espérons seulement que les leçons de 2006 seront tirées pour que Japan Expo 2007 soit un grand millésime.
Chronique publiée le
21
juillet
2006
par Christophe SAUVEUR