Last Exile
Pour ses 10 ans, en 2002, le studio Gonzo voulut marquer l’événement d’un grand coup. C’est de cette volonté de s’illustrer dignement après une première décennie de bons et loyaux services que la série Last Exile a vu le jour. Entre caprice de star et pièce maîtresse de l’animation japonaise, qu’en est-il réellement ?
Dans la région de Nordkhia, Claus Valca et Lavie Head campent deux jeunes pilotes de vanships, des petits astronefs utilisés par des coursiers pour les missions urgentes et souvent dangereuses. Le monde dans lequel vivent nos deux héros n’est pas de tout repos puisqu’une guerre sans fin divise les deux nations principales : Anatorey et Dithis. Leurs affrontements sont arbitrés, voire orchestrés, par la Guilde, troisième entité souveraine. Un beau matin, pendant la course annuelle de Nordkhia, Claus et Lavie secourent un autre pilote de vanship investi d’une mission de la plus haute importance. La Guilde semble s’intéresser d’un peu trop près à une petite fille prénommée Alvis. Les deux adolescents vont avoir la lourde responsabilité de mener leur nouvelle amie dans le lieu le plus sûr au monde : le Silverna, vaisseau de combat « libre » surnommé l’Invincible. C’est à partir de ce moment-là que leur destin va basculer.
Last Exile est à l’heure actuelle éditée en France par Déclic Images en deux coffrets regroupant chacun 13 épisodes en version originale sous-titrée. Esthétiquement, le soin apporté aux packagings rend hommage à la qualité graphique de la série. Ne souhaitant pas décevoir son public, le studio Gonzo fait ainsi preuve de ses talents en produisant une animation de grande précision associée à un character design sophistiqué et très efficace. Certains personnages, comme Alvis Hamilton, en deviennent extrêmement attachants. J’en prends pour exemple la scène où Alvis découvre la peluche qui va la suivre durant toute la série. L’émotion ressentie durant ces quelques secondes témoigne de la finesse des expressions dont disposent les personnages. La peur, l’appréhension et la curiosité d’Alvis semblent si naturels qu’il est impossible de rester indifférent.
Ceci dit, bien que la qualité de l’animation soit de très bonne facture, elle n’est pas constante. Certains plans mineurs et de nombreux arrière-plans n’ont pas bénéficié de la même attention que la scène suscitée. Ce n’est pas un fait flagrant mais cela constitue un manque dans cette production « événement ». La palme de l’inégalité revient aux plans 3D. Dans leur grande majorité, ces séquences en images de synthèse remplissent pleinement leur rôle et donnent un caractère très réaliste à l’animation des nombreux combats aériens. En revanche, dans certaines occasions plutôt malheureuses, les vanships utilisés en gros plan laissent systématiquement passer de nombreux défauts visuels. De même pour certains décors, bien que cela soit moins généralisé.
Malgré ces quelques défauts graphiques, Last Exile dispose d’un scénario étoffé mais relativement confus de prime abord. L’Exile du titre n’est pas évoqué avant la moitié de l’histoire. Dès le départ, nous suivons la vie de Claus et Lavie. De ce fait, notre perception du monde dépend de la leur. Leur rencontre avec le Silverna va bouleverser leurs repères, et les nôtres avec. Ce n’est qu’une fois qu’ils auront repris pied que le scénario élucidera un certain nombre des mystères de leur univers. Cependant, Last Exile reste une série de science-fiction et ne vous attendez donc pas à obtenir des réponses à toutes vos questions. Bien que définitive et sans appel, la fin demeure relativement évasive. Servie par une bande son éclectique et envoûtante, la magie du monde de Claus et Lavie prend toutefois très rapidement, grâce à une intrigue reposant sur des personnages utopiquement obstinés ou extrêmement mystérieux. La grande force de Last Exile repose également sur le fait qu’aucun manichéisme caractérisé ne vient s’imposer durant la plus grande partie de l’histoire. Ce n’est qu’une fois l’ennemi ultime clairement identifié que toutes les forces vont converger vers son élimination. De ce fait, on passe la quasi totalité de la série à s’interroger sur les motivations des uns et des autres. L’instinct reste en éveil, à l’écoute, plongé dans l’analyse des événements.
En définitive, Last Exile n’est pas qu’un simple caprice de dirigeant mais une véritable perle de l’animation japonaise. Le studio Gonzo a évité l’écueil de la série commerciale à gros budget mais à petit résultat. Même si certains plans peuvent ne pas paraître à la hauteur du discours marketing qui a été utilisé pendant la promotion du titre, il serait dommage de s’arrêter à ce genre de détails. Techniquement, Last Exile est à l’image des dernières productions du studio que sont Larme Ultime ou Yukikaze : presque parfaite. C’est l’ambition de fêter dignement une date importante qui a contribué à en faire une série incontournable.
Chronique publiée le
07
janvier
2005
par Christophe SAUVEUR