Innocence
En débutant l’écriture de ce texte, je me suis décidé à ne pas entamer une critique de fond d’Innocence. Comme son aîné, la suite de Ghost in the Shell nécessite pour moi plusieurs visionnages pour en appréhender la quintessence. En revanche, je peux sans crainte vous parler de l’aspect graphique et sonore de cette merveille de l’animation.
En 1995 apparaissait sur les écrans japonais le film Ghost in the Shell tiré du manga du même nom de Shirow Masamune. Deux ans plus tard, en 1997, le film arrive en France et permet à un grand nombre d’européens de découvrir la japanimation, comme Akira l’avait fait quelques temps avant. Le film produit par Production I.G., écrit et réalisé par Oshii Mamoru, marqua les esprits et reste encore aujourd’hui, neuf ans après, une des plus grandes références du genre. En cette fin 2004, nous voilà avec la suite, intitulée Innocence et qui prend cette fois-ci Batô comme personnage principal, laissant de côté le major Kusanagi.
Dire qu’Innocence a surpassé visuellement son aîné serait faux. Certes le film est d’une beauté effarante mais, là où Ghost in the Shell disposait d’une animation traditionnelle sans faille, Innocence utilise de façon quasi permanente la 3D à l’exception des personnages. Il devient difficile de les comparer sur ce point-là. D’autant plus que l’ambiance graphique est radicalement différente. Même si la technologie transpire par tous les pores de la pellicule, un côté « rétro » s’est emparé du film. La présence du basset et d’un grand nombre de lieux et d’objets rappelant une époque révolue ont fait dire à certains qu’Innocence était une fusion entre Ghost in the Shell et Avalon, autre OVNI signé Oshii. Je ne les contredirais pas, car c’est également mon opinion en ce qui concerne le design.
Nombre des systèmes d’information disséminés dans le film réutilisent l’aspect ambré si présent dans Avalon, de même que certaines représentations des programmes. Le basset est également un élément important de l’univers d’Oshii Mamoru. Son plus grand rêve serait d’en devenir un. Bien entendu, il en possède un et, depuis Avalon, cet animal est devenu un personnage proéminent pour le réalisateur et scénariste.
Je l’ai dit précédemment, Innocence est très différent de l’épisode précédent. L’univers est devenu beaucoup plus onirique, moins ancré dans une réalité anticipée que ne l’était Ghost in the Shell. Il est intéressant de voir qu’en fait ce détail est du au changement de personnage principal. Dans Ghost in the Shell, le major Kusanagi se posait beaucoup de questions existentielles alors que le monde qui l’entourait était assez pragmatique. Innocence met en avant Batô, personnage beaucoup plus pratique et concret, qui se retrouve dans une sorte de réalité virtuelle fantasmée qui fait ressortir des qualités qu’on ne lui connaissait pas.
Sur le plan purement technique, Innocence est à n’en pas douter proche de la perfection. Je regretterai une utilisation parfois abusive de la 3D mais l’intégration des personnages en animation traditionnelle fonctionne parfaitement bien. La beauté et le niveau de détail des décors repoussent encore une fois les limites technologiques du cinéma d’animation. Rien que pour cela, Innocence mérite le détour pour peu qu’on ne soit pas rebuté par son ambiance si particulière. Seul point noir pour moi sur le plan graphique : une utilisation excessive des réflexions qui donnent un aspect trop brillant à certains décors et véhicules. Toutefois, cela reste relativement localisé.
Sur le plan musical, Kawaii Kenji, responsable de toutes les bandes originales des films d’Oshii, signe là encore une partition de qualité. Les fans de la première heure retrouveront des références évidentes au thème principal du premier volet. Mais, là encore, on a à faire à une version très différente, plus subtile, plus vocale, plus envoûtante et aussi plus discrète, à l’exception du thème principal. C’est peut-être le plus gros manque du film selon moi. La bande originale de Ghost in the Shell reste dans les mémoires de beaucoup d’entre nous, mais celle-ci risque de passer plus inaperçue, encore une fois à l’exception du thème principal. Dommage.
Au final, profitez de la sortie très importante en nombre de salles d’Innocence pour vous faire un premier aperçu de ce qu’est l’élite de l’animation japonaise si ce n’est pas déjà fait. Côté scénario, si vous n’êtes pas sensibles aux problématiques actuelles et futures des systèmes d’information à grande échelle, vous risquez de vous sentir dépassé par les événements. Mais, cela reste tout de même un plaisir pour les yeux.
Chronique publiée le
05
décembre
2004
par Christophe SAUVEUR